Les militaires nigériens qui ont renversé le 26 juillet le président élu, Mohamed Bazoum, ont accusé ce lundi la France de « vouloir intervenir militairement », au lendemain d’un sommet des membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest qui ont menacé d’utiliser la « force » s’il n’était pas rétabli dans ses fonctions d’ici à dimanche. Le président français, de son côté, a prévenu que son pays répliquerait « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger, où des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont ciblé son ambassade à Niamey. Certains ont voulu y entrer, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes.
Un Président coupé de ses militaires
Cette menace d’une intervention militaire régionale ou française est-elle crédible ? Frédéric Lejeal, politologue, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et auteur de l’ouvrage Le déclin franco-africain, l’impossible rupture avec le pacte colonial (*), se montre sceptique. « D’abord, parce que le mouvement nigérien semble avoir fédéré toutes les forces armées du pays. Ensuite, parce qu’en cas de conflit le Burkina Faso et le Mali, qui ont été suspendus de la CEDEAO, se rangeront très certainement derrière les putschistes. Une intervention des autres membres de la CEDEAO risque donc de créer un chaos dans toute la région et personne n’en a envie.» La CEDEAO avait pourtant permis de réinstaller le président Kabbah à la tête de la Sierra Leone en 1998 après un coup d’État militaire, « mais le contexte est vraiment tout à fait différent », explique Frédéric Lejeal, qui poursuit en expliquant que la CEDEAO ne pouvait rester sans réagir.
Jets de tomates pour Pompidou
« Il est évident que ces militaires se parlent. Le Mali et le Niger disposent d’une immense frontière commune. Regardez aussi le mode opératoire, il est identique. Le Président est arrêté et détenu dans son palais », confirme Frédéric Lejeal qui, dans son ouvrage, explique aussi que ce sentiment antifrançais n’est pas neuf dans la région, rappelant l’accueil avec des jets de tomates du président Georges Pompidou en 1972 ou des scènes durant lesquelles des drapeaux français ont été piétinés en 2004 à Niamey. « Mais il est évident que le sentiment antifrançais d’aujourd’hui n’a rien de commun, c’est beaucoup plus exacerbé« , poursuit-il en mettant en évidence le fait que la population du Niger, très jeune, est aussi très connectée et très attentive à ce qui se passe aux quatre du monde et surtout à Paris.
La déception Macron
Une France et son jeune Président, né après les indépendances africaines, qui a suscité l’espoir d’une « autre approche » des relations entre la France et l’Afrique. « Mais Paris a conservé son ton paternaliste et, surtout, son incohérence. Comment expliquer que le président Macron assiste à l’investiture du nouveau président tchadien (le fils, non élu, du président Idriss Déby tué par balle dans des conditions étranges, NdlR) tout en se permettant de condamner des coups d’État au Burkina, au Mali ou au Niger ? C’est évidemment incompréhensible », conclut Frédéric Lejeal.