Le président destitué apparaît comme l’élément fédérateur de la dynamique des putschistes.
Dans son discours de prestation de serment à la tête du pays, le 4 septembre dernier, cinq jours après son coup d’État, le président de transition, le général Brice Oligui Nguema, a dressé une liste non exhaustive de promesses qui doivent relancer le pays et installer inexorablement une véritable démocratie, dans ce petit pays d’Afrique central aux immenses richesses.
Parmi ces promesses, l’une a fait se dresser tout son auditoire et applaudir tout un peuple. Le général-chef de l’État a ainsi promis d’en finir avec ce que beaucoup de Gabonais appellent “la légion étrangère” d’Ali Bongo.
Le nouvel homme a ainsi annoncé son intention de “réviser les conditions d’attribution de la nationalité gabonaise”. “je m’engage, à ce que les relations séculaires entre les Gabonais et nos frères étrangers soient toujours des relations de grande amitié, de tolérance et de concorde, [mais] la politique et l’administration dans un pays sont des domaines de la souveraineté nationale, le dire n’est nullement de la xénophobie.”
Cabinet de l’ombre
Pas besoin d’être plus explicite. Les Gabonais ont compris que le nouveau chef de l’État, sorti aussi des entrailles du pouvoir du clan Bongo, visait les innombrables conseillers, directeurs et autres haut placés venus de l’étranger sous les ors de la présidence Bongo. Les membres de cette “légion étrangère” ont constitué au fil des années un véritable pouvoir parallèle au Gabon. “Un phénomène qui existait déjà sous Omar Bongo mais qui s’est très fortement accentué sous Ali Bongo et encore plus depuis qu’il a perdu les rênes du pouvoir suite à son accident vasculaire cérébral en 2019”, explique un spécialiste français de la région.
Marc Ona, personnalité de la société civile, défenseur de l’environnement et forçat de la lutte contre la corruption, avait épinglé, dès le jour du coup d’État, “la capacité du président Ali Bongo à gérer le pays par procuration et à se décharger sur les autres, surtout depuis son AVC”.
Ces “étrangers” étaient parmi les premières personnes interpellées. Le nouveau pouvoir a utilisé les réseaux sociaux pour diffuser des vidéos qui ont su alimenter la colère et asseoir le bon accueil des putschistes dans une population lasse de ces dérives.
Sur certaines de ces images, on découvre Mohamed Aliou Oceni, ancien directeur du cabinet adjoint de Noureddin Bongo Valentin, le fils du président déchu, bombardé “coordinateur des affaires présidentielles” après l’AVC de son père. Dans l’appartement de ce “Béninois d’origine”, les enquêteurs vont découvrir un appartement d’un luxe extravagant mais aussi plusieurs coffres-forts débordant d’argent liquide. Des scènes similaires seront filmées chez un Coréen chargé d’affaires au cabinet de la Première dame, Sylvia Bongo Ondimba, elle-même franco-gabonaise.
“Le nouveau président, qui a fréquenté les arcanes du pouvoir pendant des années, savait pertinemment où il fallait envoyer les caméras. Il savait que ces images auraient un impact sur la population. Qu’elles finiraient de convaincre du bienfait de son coup d’État”, explique un diplomate de la région.